Je préfère ne rien dire…

s'affirmer au travail

Cher Jean-Marie,

Une phrase qui revenait souvent dans nos premières rencontres était : « Je préfère ne rien dire… ». Avant d’être sûr de vous, d’avoir fait le tour de la question, vous préfériez laisser parler les autres en premier, « tourner sept fois la langue dans la bouche », aller faire des vérifications et vous affirmer seulement à la prochaine réunion …

Ce fonctionnement marchait très bien quand vous étiez « le meilleur expert de l’équipe » et vous étiez souvent félicité par votre entourage pour la solidité de vos interventions. Dans un métier aussi technique que le vôtre, votre expertise était précieuse !

Mais depuis que vous avez été nommé manager, vous constatez les limites de ce fonctionnement. Pendant que vous passez du temps à approfondir vos positions, d’autres ont marqué le sujet de leur empreinte et il est très difficile d’y revenir ensuite, même si vos positions sont reconnues comme meilleures. Quand le match est fini, on ne peut plus marquer des points !

Comme toujours en matière de coaching, le progrès commence par une prise de conscience. La vôtre a été de constater que vous vivez dans un contexte où vous maîtrisez de moins en moins de choses seul, et que vous ne pouvez rien y changer !

Après cette prise de conscience, j’ai beaucoup aimé la liste d’exercices pratiques que vous avez faite au fur et à mesure de nos travaux, afin de mieux vous affirmer dans un contexte devenu incertain :

  • Toujours parler dans les 2 premières minutes d’une réunion. Vous disiez : « Tout se joue dans les 2 premières minutes. »
  • Oser donner mon intuition, même si je n’ai pas eu le temps de la vérifier. Vous avez constaté avec étonnement que c’était souvent la bonne ! En tout cas, elle était toujours accueillie avec intérêt par vos interlocuteurs. Je vous cite encore : « C’est un plaisir de voir mes idées reprises par d’autres et améliorées. »
  • Ne pas avoir peur de dire ce que je pense, même si je ne maîtrise pas totalement le sujet. Après quelques essais vous m’avez dit : « Ça fait du bien de parler librement, sans se croire obligé de prouver sa compétence. »
  • Oser dire ce que je ne sais pas faire et demander de l’aide. Si je me rappelle bien, un collègue vous a dit qu’il vous trouvait plus humain !

Dans notre dernière séance, vous m’avez dit : « C’est une nouvelle vie qui commence… ». Cela m’a fait penser à une métaphore bien connue dans mon métier : « le complexe de la langouste ». Comme la langouste a une carapace pour compenser son absence de colonne vertébrale, l’expert devenu manager peut continuer à se cacher dessous sa carapace technique, pour masquer une identité pas suffisamment assurée. Le ton avec lequel vous avez dit : « Une nouvelle vie qui commence… » m’a montré combien vous acceptiez de sortir de cette coquille et de courir le risque des interactions avec les autres pour devenir un « manager – ressource ». Merci de cette belle illustration !

Très cordialement,

P.S : Vous trouverez ci-joint un article écrit sur le sujet du « complexe de la langouste » par l’auteur du concept.