La vision sans action est un rêve, l’action sans vision est un cauchemar.

Cher Matthieu,

 

Dans la démarche stratégique réalisée avec l’entreprise que tu diriges, il y a eu en permanence une tension entre deux polarités : la vision et l’action.

 

D’un côté le travail sur la raison d’être de l’entreprise, ses forces et ses valeurs, son ambition, a déclenché un véritable effet waouh et la mobilisation d’une grande majorité du personnel. C’est toujours le cas dans ces démarches, mais quelquefois une minorité reste enfermée dans des questions légitimes : « à quand le concret ? c’est bien beau tout ça, mais … ? ». D’ailleurs, tu m’avais averti sur ce genre de paroles, entendues avant même notre intervention.

 

Dans ce que nous avons vécu, il n’y a pas eu ce phénomène, parce que vous avez bien su rendre présent l’autre versant de la démarche : l’action concrète. Tu me demandais quel était le secret de cette réussite qui t’a tellement étonné, et moi-même je me disais : « quel ingrédient a été déterminant ? ».

  • Est-ce la mise en place d’une dynamique de victoires rapides tout au long du projet ? Avec ces petites fêtes pour marquer le coup ?
  • Est-ce la technique de laboratoires dans lesquels des petits groupes testaient des innovations en situations réelles ?
  • Ou simplement la façon de communiquer cette conviction : on ne peut pas élaborer « ce qui sera » seulement en chambre mais avec des allers-retours entre les étoiles et la réalité du terrain ? Je pense aussi à ces rituels mis en place dans l’entreprise pendant toute la démarche.

 

C’est certainement un peu de tout ça, mais je crois que l’ingrédient principal était ailleurs. Je te revois en train de balayer une de nos salles de séminaire avant une rencontre et je me dis : « c’était ça, l’ingrédient déterminant, l’humilité du dirigeant ! ». Tu as osé travailler à parité avec des personnes dont le rôle peut paraître beaucoup plus modeste que le tien ; tu as écouté et accueilli des contradictions quelquefois vigoureuses à la politique que tu mènes ; tu es arrivé plusieurs fois avec des actions concrètes essayées depuis la rencontre précédente, certaines ayant échoué ; tu as montré une tranquille détermination dont beaucoup se sont inspirés pour oser à leur tour.

 

L’image du coup de balai, et le fait que tu es un passionné de rugby, m’a rappelé une lecture sur l’équipe des All Blacks (1) et son premier chapitre : « Balayer les vestiaires ». L’auteur démontre combien humilité ne signifie pas faiblesse, mais son contraire. L’humilité permet de se poser une question simple : « comment s’améliorer ? » et elle pousse à l’action. Elle permet de rester connecté avec ses valeurs les plus profondes, et avec l’environnement. Elle rend possible la transformation d’une vision en actions quotidiennes, ordinaires et simples.

 

Une fois n’est pas coutume, plutôt qu’un savant concept issu de notre fonds documentaire, je t’envoie en pièce jointe une histoire de rugby. Avec mes remerciements pour m’avoir fait découvrir le secret d’une démarche stratégique réussie !

(1) Les secrets des All Blacks ; 15 leçons de leadership ; James Kerr ; Thierry Soucar Editions.