Parler avec courage, écouter avec empathie…

Parler avec courage, écouter avec empathie… Nememjume

Cher David,

Vous trouviez votre comité de direction trop « politiquement correct » : pas assez de paroles authentiques ou d’expression en profondeur. Nous avons vécu cette fameuse journée de « bâton à paroles », dans laquelle chacun était invité (obligé ?) à parler avec courage et écouter avec empathie.

L’exercice paraît simple, au moins dans son démarrage :

  • Chacun exprime sa vision en parlant de lui-même, en son nom, et en insistant sur ce qui l’habite vraiment, ce qui est important pour lui.
  • Les autres ne peuvent l’interrompre que pour le reformuler de façon à lui prouver qu’ils l’ont compris.
  • Quand celui qui s’est exprimé s’estime compris, il transmet le bâton à celui qui lui a manifesté de la compréhension ou (variante) au suivant, lequel va s’exprimer à son tour.

Cela paraît tellement simple que les directeurs avaient accueilli ce projet avec quelques sarcasmes : « ça fait un peu exercice de maternelle », « il y a 2000 personnes derrière nous, est-ce raisonnable de consacrer une journée à ça ? »… Je ne me suis pas fait d’illusion : si le séminaire a été finalement programmé, c’est plus grâce à votre autorité qu’à mes talents commerciaux !

Les feedbacks des mêmes personnes à la fin de l’expérience sont étonnants : « nous avons fait un énorme voyage en une journée ; on croyait se connaître, mais on s’est découvert », « ça va s’inscrire dans nos gênes », « je nous croyais incapables d’aller à ce niveau de profondeur », « nous avons monté de plusieurs crans le niveau d’énergie collective », « mes propres barrières mentales sont en train de tomber » …

En fait, cet exercice n’est pas du tout facile. La personne qui s’exprime avec le bâton doit faire preuve de courage pour aller au fond de sa pensée, dire ce qui fait sens pour elle. Parmi les personnes qui écoutent, celle qui brûle d’envie de contredire doit mobiliser beaucoup de maîtrise de soi et de maturité pour passer d’abord par la phase où elle va prouver à l’autre qu’elle le comprend, même si elle n’est pas d’accord.

Comme vous l’avez vu, le rôle de facilitateur, que j’ai joué, n’est pas confortable. Quelquefois, il faut agir vigoureusement ; par exemple, couper la parole d’une personne qui exprime son opinion sans avoir le bâton. D’autres fois, il s’agit au contraire d’encourager ; par exemple, inviter celui qui détient le bâton à donner vraiment le fond de sa pensée. Ce ne fut pas une sinécure, mais le résultat fut au rendez-vous : la parole du groupe s’est progressivement fluidifiée, vous avez de plus en plus réussi à vous écouter. La confiance aidant, les paroles authentiques se sont multipliées et des points forts communs à tout le groupe sont apparus. Les différences, exprimées et mises à leur place, n’ont pas bloqué le travail. Elles ont permis des découvertes mutuelles, dans le respect. Vous avez pu prendre des décisions importantes pour toute l’entreprise.

J’ai été heureux de vous entendre dire, quelques jours après, que vous aviez acheté un beau bâton africain pour l’amener à chaque réunion du comité de direction ! Afin de vous aider dans cette mise en place, je vous adresse une fiche technique qui insiste sur les points-clés de réussite et l’extrait d’un livre donnant le regard d’un professionnel renommé. Dans une prochaine lettre, je reviendrai sur les fondamentaux qui sous-tendent cet exercice vraiment pas anodin, et les différents niveaux de performance qu’il peut amener à une équipe ayant intégré durablement sa pratique.

A très bientôt !